Addiction aux smartphones ?

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Addiction aux smartphones ?

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3ème partie du dossier dédié aux recherches sur l'addiction aux écrans : trouble d'usage du smartphone

Publié le: 
01/07/2022
Histoire courte du smartphone

Selon les données 2020 de Data Report le taux de pénétration des téléphones mobiles dans le monde était de 67%, soit 5,19 milliards d'utilisateurs. En France, les enfants disposent de leur premier smartphone en moyenne à l’âge de 10 ans. Il est offert par les parents dans le but de pouvoir joindre, et être joint par, leur progéniture à tout instant. Le smartphone est alors un outil de sécurité. 
Posséder un smartphone ouvre de nombreuses possibilités en sus de pouvoir joindre les parents. Il permet, grâce aux applications, de communiquer avec ses ami(e)s, de jouer, de se cultiver et de s’informer. De fait, dans une enquête très récente menée en France sur 500 jeunes, 51% des sondés ont déclaré utiliser principalement leur téléphone pour créer ou entretenir un lien social et 17% pour se cultiver ou s’informer, 10% pour visionner des vidéos, 6% pour le travail et 4% pour jouer aux jeux-vidéos .
Ces conduites font partie du quotidien et n’ont rien de répréhensibles. On ne saurait s’inquiéter de voir un jeune passer des appels téléphoniques, puis de jouer à un jeu, soit seul soit avec son entourage, puis de lire un livre et enfin consulter une encyclopédie. Mais lorsque ces activités variées passent toutes par le même support, le smartphone, et le même canal, internet, elles tendent à être considérées comme problématiques. Être en permanence connecté et/ou être devant un écran a conduit à se demander si ce comportement était une addiction.

Addiction ou trouble d’usage

La perte de contrôle, fruit de l’impulsivité des réactions et l’altération de la capacité de décision, est une des mécanismes majeurs des addictions comportementales. Pourtant, à ce jour, aucun travail de recherche dans ce champ n’a été réalisé chez les utilisateurs de smartphone. La tolérance est la nécessité d’augmenter sa consommation de produit ou de temps passé à un comportement parce que la récompense procurée s’amoindrit à force de répétition. Mais le temps d’utilisation de son smartphone et de sa connexion dépend de si nombreux facteurs, impératifs professionnels ou personnels, caractéristiques de l’abonnement au fournisseur d’accès, découverte de nouvelles applications etc…. qu’il est bien difficile d’affirmer que la raison principale de rester connecté plus longtemps est la tolérance. De même les symptômes de sevrage abordés dans les questionnaires peuvent être des reflets indirects du stress provoqué par l’impossibilité de joindre quelqu’un ou de recevoir une information importante dont on est attente, et non uniquement dus à l’absence du téléphone. Enfin, il n’existe aujourd’hui aucun fondement neurobiologique à une éventuelle addiction au smartphone, contrairement aux addictions validées par la communauté scientifique.
Ces absences de données ne préjugent en rien de l’existence ou non de l’addiction au smartphone. Seules des études appropriées et fiables donneront les éléments permettant de statuer et définir un trouble du comportement lié à l'usage du smartphone. 
Dans le langage populaire, la nomophobie, contraction de « no mobile phobia », est un terme récent qui désigne le fait d’être angoissé à l’idée d’être privé de son téléphone mobile. 

Repérage

De nombreux outils existent.  Un travail récent a recensé 70 questionnaires différents visant à évaluer l’existence d’un usage problématique du smartphone. Ces questionnaires comportent entre 4 et 80 questions, dont les réponses sont cotées sur une échelle allant le plus souvent de 1 à 5. La plupart utilisent des critères utilisés pour le diagnostic des addictions aux substances ou au jeu d'argent d'argent. Leur validité reste à confirmer et la comparaison entre eux, dans l’optique d’identifier le plus performant, est complexe. Enfin le seuil de résultat suggérant l’existence d’un trouble n’est pas défini du fait de l’absence de normes définissant un utilisateur « normal ».
    Trois critères d’alerte semblent toutefois émerger : 

  • l’utilisation répétée de l’outil dans des situations dangereuses, comme la conduite d’une automobile, ou pendant un déplacement en 2 roues (moto, scooter, vélo, patinette…) ;
  • l’utilisation répétée malgré l’existence de soucis personnels 
  • l'utilisation répétée malgré l'existence de soucis sociaux causés ou exacerbés par l’usage de l’outil. 

Le temps passé en ligne est un critère d’alerte ambigu. En effet, dans les enquêtes sa mesure est auto-appréciée, totalement subjective, et le temps de connexion peut varier d’un jour à l’autre. De plus, les raisons de se connecter sont multiples, de même que les applications auxquelles le sujet se connecte. Additionner un temps de connexion pour chercher une information culturelle à celui consacré à l’actualité et à celui passé sur les réseaux sociaux n’a pas grand sens hormis celui de comptabiliser les heures d’utilisation d’internet, canal principal de communication des sociétés numériques telles que la nôtre. Aussi le temps passé en ligne est un critère de risque qui doit être considéré avec prudence.

Prévalence

Les premiers travaux sur la fréquence d’utilisation excessive des smartphones datent de la fin des années 2000. Ils utilisaient un des questionnaires mentionnés ci-dessus, ce qui oblige à être prudent dans l’interprétation des résultats. Chez les adolescents et jeunes adultes, la fréquence d’usage estimé excessif était très variable d’un pays à l’autre : 10% en Angleterre, 5,5% en Espagne, 21% en Chine, 33% en Corée. On dispose de peu de données pour la France, toutefois dans une enquête en ligne récente, 38% des 309 jeunes ayant répondu à la question « Comment tu décrirais la relation avec ton portable ? » déclaraient qu’ils estimaient être addicts, un résultat à prendre avec précaution car il ne s’agit que d’un ressenti.

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