Impact de la cocaïne sur les performances du cerveau

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Impact de la cocaïne sur les performances du cerveau

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Les chercheurs ont étudié les effets de la cocaïne sur le cerveau pour comprendre comment cette substance modifie les fonctions cognitives comme la mémoire, l'apprentissage verbal, ou la concentration, à court et à long terme.

Publié le: 
20/01/2023

Selon l’Office Français des Drogues et Toxicomanies, la cocaïne est le produit illicite le plus consommé en France après le cannabis. Environ deux millions de personnes ont déjà expérimenté le produit. En 2019 le nombre d’usagers réguliers, estimé à partir des données recueillies par les centres de soin spécialisés, a été évalué à 42800 soit 3,5 fois plus qu’en 2010.

Effets immédiats

La prise de cocaïne entraîne une excitation psychique et physique, une sensation de toute puissance, une euphorie et une exacerbation du contact avec les autres. Ces effets surviennent rapidement , et durent 15 à 45 mn selon le mode de prise (pour plus de détails, voir aussi l'infographie Que devient la cocaïne dans l'organisme ?). Ils sont dus à l’inondation du système de récompense par la dopamine (explications dans la video Effets de la cocaïne sur le cerveau). Le mal-être associé à la disparition de ces effets engendre le « craving », c’est-à-dire l’envie pressante, obsédante, d’en reprendre.

Effets d’une consommation régulière

La prise régulière de cocaïne entraîne le phénomène d’accoutumance. Le cerveau s’adapte en quelque sorte à la présence du produit pour tenter de rétablir un fonctionnement harmonieux, aussi le consommateur doit augmenter sa dose pour obtenir l’effet initialement recherché. Mais la régularité des prises, associée au phénomène d’accoutumance, s’accompagne de modifications des fonctions cognitives, d’intensité variable d’un individu à l’autre. On constate ainsi des impacts sur la mémoire visuelle, la mémoire d’apprentissage verbal, la mémoire de travail, ou encore l’impulsivité sans altération du langage. Ces effets sur les différents types de mémoire sont illustrés dans la bande dessinée Terrain glissant, les effets de la cocaïne sur la mémoire.

banniere BD Terrain glissant

De plus, chez les consommateurs dépendants, des modifications de l’architecture du cerveau ont été constatées grâce à l’imagerie par IRM.

Certaines équipes de recherche se sont interrogées sur les anomalies cérébrales observées : pourraient-elles préexister à la prise de drogue et expliquer la survenue de l’addiction ?

La réponse a été apportée par un travail de laboratoire mené chez le singe. Quatorze macaques ont d’abord été entraînés à réaliser des tests évaluant leur mémoire de travail visuelle et leur capacité à contrôler leur flexibilité cognitive . Pendant un an, huit macaques ont été soumis à un régime comportant 3 jours par semaine de la cocaïne à la dose maximale de 3mg/kg, les 6 restants recevant un placebo. Trois séquences d’imagerie cérébrale ont été réalisées, avant le début de l’expérience, au bout d’un an et un an après la fin de l’expérience.

Résultats :

  • Pour les singes soumis à la cocaïne, les résultats ont montré une diminution de la matière grise, celle qui contient le corps des neurones et donc réceptionne, analyse les informations et élabore la réponse la plus adéquate.Cette modification intervenait plus particulièrement dans le cortex orbito-frontal, le cortex temporal et l’amygdale. 
  • Les résultats des tests étaient également modifiés, suggérant une corrélation entre ces altérations du comportement et les modifications anatomiques observées.
  • L’imagerie cérébrale réalisée un an après l’arrêt complet de la cocaïne a montré la persistance des modifications de la matière grise dans le cortex orbito-frontal et l’amygdale.

Cerveau - vue de trois quart Des études plus fines ont été menées par plusieurs équipes sur certaines de ces altérations.
Contrôle inhibiteur
L’inhibition est une faculté cognitive qui permet de filtrer les informations inutiles à la réalisation d’une action. Schématiquement, l’élimination de ces données parasites permet d’être plus performant, soit par réduction du nombre d’erreurs soit par une exécution plus rapide.
La tâche dite de go-nogo est la plus utilisée pour évaluer les mécanismes d’inhibition. Pendant l'expérience, des séries de stimuli visuels sont présentées en boucle sur un écran face au sujet testé. Un des stimuli est par exemple une lettre (X), une forme (carré) ou une couleur (vert) dont l’apparition à l’écran doit déclencher l’appui sur un bouton du clavier, c’est la condition go, la réponse n’est pas et ne doit pas être inhibée. A l’inverse, l’apparition de la lettre Z par exemple, d’un rectangle ou encore de la couleur bleu doit au contraire ne pas déclencher d’appui sur le même bouton du clavier, condition nogo, c’est-à-dire inhibition de la réponse.
Plusieurs équipes ont analysé l’efficacité du contrôle inhibiteur chez les usagers de cocaïne. Treize sujets, d’âge moyen 37 ans, adeptes de la cocaïne depuis 12 ans en moyenne et dont la dernière prise d’1g en moyenne, remontait à 72 heures ont effectué le test go-nogo. Juste avant le test ils recevaient soit une injection de cocaïne, 40 mg pour 70 kg de poids, soit une injection de sérum physiologique en guise de placebo. Le pourcentage de succès, c’est à dire d’inhibition de réponse, était supérieur après injection de cocaïne (67%) qu’après injection du placebo (51%). Le taux de réussite sous cocaïne s’amenuisait à distance de l’injection.
Une autre étude a porté sur trente-huit usagers de cocaïne chez qui un électro-encéphalogramme était effectué pendant la réalisation d’un test go-nogo. L’administration d’une capsule contenant 300 mg de cocaïne, par rapport à une capsule placebo, doublait le pourcentage d’inhibition de réponse. Le tracé d’électro-encéphalogramme montrait l’augmentation de l’onde dite P3 qui est un reflet de l’inhibition motrice.

Ces études, dont les résultats sont concordants, montrent que la consommation de cocaïne améliore la réalisation des actions, au moins peu après la prise.

Impulsivité
L’impulsivité est définie comme une action non planifiée et/ou mal conçue exécutée rapidement sans réflexion. L’impulsivité joue un rôle majeur dans le passage d'une consommation contrôlée à la consommation compulsive, caractéristique de l’addiction. 
Une analyse de 47 travaux de recherche portant sur les altérations cognitives chez les consommateurs réguliers de cocaïne a montré que le domaine impulsivité/récompense était l’un des plus affectés.
En effet, les tests montrent de façon constante une préférence des consommateurs pour une récompense modérée immédiate par rapport à une récompense plus grande différée. 

Dans la vie courante, cela se traduit par la tenue d’actions irréfléchies, des colères incontrôlées et la recherche permanente de sensations sans prise de conscience des éventuels risques.

Ces résultats proviennent des données cliniques et des questionnaires remplis par les sujets concernés.
Cette notion apparaît contradictoire avec l'amélioration du contrôle inhibiteur observée chez les usagers de cocaïne. L’explication pourrait venir du fait que l’impulsivité serait un trait de caractère préexistant à l’usage de la drogue, comme cela a été suggéré dans de nombreux travaux (voir article Impulsivité et addiction).

Evolution des atteintes cognitives

Une équipe de recherche suisse a suivi pendant un an 57 usagers dépendants de la cocaïne. La consommation de cocaïne était mesurée au moment de l’inclusion dans l’étude, puis 6 mois et 12 mois après, par analyse d’imprégnation des cheveux. Cette méthode permet une analyse quantitative de la drogue consommée. La consommation des participants à l'étude durait en moyenne depuis 8 ans, elle était de l’ordre de 2 g/semaine, en une ou deux fois. A l’inclusion puis un an après, ils étaient soumis à des tests d’évaluation cognitive portant sur l’attention, la mémoire de travail et les fonctions exécutives. Grâce à ces tests, un index global de performance était calculé pour chaque participant.
Quarante-huit sujets non-consommateurs étaient soumis au même protocole et servaient de témoins.
Parmi les consommateurs, 19 usagers ont augmenté leur consommation (+300% en moyenne), 19 sont restés stables et 19 l’ont diminuée (-72% en moyenne) dont 8 l’ont complètement arrêtée.

Résultats :

  • Chez ceux ayant augmenté leur consommation, la performance cognitive globale diminuait, surtout en raison d’une dégradation de la mémoire de travail. 
  • A l’inverse, ceux qui l’avaient diminué s’amélioraient sur tous les tests. 
  • Ceux ayant complètement arrêté avaient des performances similaires à celles des témoins.

 

En conclusion, selon ces différentes études, on peut retenir que la cocaïne a, en prise unique, des propriétés stimulantes intenses sur le cerveau. Elles s’émoussent à distance de la prise, ce qui conduit à vouloir reprendre du produit. L’usage régulier de cocaïne entraîne des modifications cérébrales négatives, particulièrement sur la mémoire de travail. Si elles peuvent disparaître au bout d'un certain temps après un sevrage complet, l’évolution des modifications de l’architecture cérébrale est par contre aujourd’hui inconnue.

VIDEO BONUS NEUROSCIENCES : Quels sont les effets de la cocaïne sur le cerveau ?

 

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
Les effets de la cocaïne durent 15 à 45 minutes selon le mode de prise (voie intraveineuse ou voie nasale).
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