Le sevrage de cocaïne

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Le sevrage de cocaïne

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Une approche scientifique de l'arrêt de la consommation régulière de cocaïne avec l'étude des symptômes et des pistes thérapeutiques

Publié le: 
15/10/2020

Si la prise de cocaïne et ses effets sont largement représentés dans la culture populaire, le sevrage à cette substance psychoactive est quant à lui assez méconnu. Face à cette véritable épreuve, la recherche avance toujours afin d’identifier et valider diverses pistes de traitement.
La cocaïne est une substance psychoactive classée parmi les stimulants du fait qu’elle provoque un accroissement de l’activité psychomotrice accompagnée d’une euphorie, d’une sensation de puissance et d’une exacerbation des sens. Ces effets sont la conséquence de l’action de la cocaïne sur le circuit de la récompense. En effet, la cocaïne, en se fixant sur leurs transporteurs, inhibe, c’est à dire bloque, la recapture de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline par les neurones pré-synaptiques. Il en résulte alors une prolongation et une intensification de la transmission des signaux vers les neurones post-synaptiques. Ce phénomène serait responsable des effets psychomoteurs et plaisants de la substance. Par ailleurs, ces effets sont exacerbés par l'alcool (voir article Alcool et cocaïne, un mélange explosif).
Lorsque la consommation de cocaïne est répétée au cours d’un même épisode, ses effets initiaux s’atténuent du fait du développement d’une tolérance. Celle-ci reste présente en cas de consommation régulière, obligeant le sujet à augmenter ses doses.

Symptômes de sevrage

L’absence de cocaïne chez un consommateur chronique entraîne souvent une dégradation de l’humeur avec sensation de détresse, une grande fatigue, des troubles du sommeil, une irritabilité et surtout un puissant « craving » qui pousse à se procurer à nouveau du produit. Si aucune dépendance physique à la cocaïne n’a été décrite, la dépendance psychologique est quant à elle majeure.
Peu de travaux ont porté sur les symptômes de sevrage. Une étude détaillée chez des sujets dépendants à la cocaïne hospitalisés volontairement pour aide à l’arrêt montrait une évolution en trois phases.

  • Phase 1 : la descente en crash après la dernière prise – durée 8h à 4 jours

Elle était caractérisée par une dysphorie, c'est à dire un trouble de l'humeur comportant initialement dépression, l’incapacité à éprouver des émotions positives, irritabilité, anxiété, insomnie.

Ces symptômes étaient conjugués avec un craving très puissant. Des idées temporaires de suicide ou de paranoïa pouvaient également apparaître.

L’agitation se transformait progressivement en léthargie, le craving s’atténuait progressivement sans disparaître. Ces symptômes qui pouvaient durer jusqu’à 40h étaient suivis par une hypersomnolence et une surconsommation d’aliments sucrés dont la durée allait de 8h à 2 jours.

  • Phase 2 : la stabilisation – durée 1 à 11 semaines

La partie initiale de la stabilisation, d’une durée de 5 jours environ, était caractérisée par une normalisation du sommeil, une anxiété modérée, un craving peu intense. L’humeur était normale.
Dans un deuxième temps, l’état s’altérait avec retour des troubles de l’humeur et de l’émotion, l’incapacité à éprouver des émotions positives et un manque d’énergie. L’humeur était passive, comme détachée sans plaisir, l’anxiété et l’irritabilité étaient augmentées. Le craving quant à lui augmentait à nouveau.

  • Phase 3 : la rémission – durée indéfinie

Elle était caractérisée par le retour d’une humeur normale, la résurgence des sensations de plaisir. Le craving était épisodique.Le risque de rechute n’est toutefois que rarement complètement écarté.
Le sevrage et l’arrêt de la consommation de cocaïne sont des étapes complexes, souvent difficiles pour le sujet. La motivation à l’arrêt est essentielle pour aboutir à une stabilisation durable. 

Soutien psychologique

Certes, le sevrage peut être mené seul, toutefois être accompagné par des professionnels est d’une grande aide. De fait plusieurs essais ont démontré l’efficacité de la thérapie intensive en consultation externe. Celle-ci consiste en une approche individuelle et en groupe, visant à réduire ou éviter le craving : les sujets sont appelés à identifier les situations ou les états associés au craving et à tenter de les éviter. Pour ce faire des tâches de détournement sont mises au point, incluant des distractions, des rappels des conséquences négatives de la consommation ou des pensées positives. Il semble qu’une prise en charge comportant plusieurs séances par semaine soit plus efficace qu’une seule.

Pistes de traitement pharmacologique

Si l’accompagnement psychologique est la pièce maîtresse de l’aide au sevrage, il peut être complété par un traitement pharmacologique dont l’intérêt n’est toutefois pas garanti. En effet les essais thérapeutiques disponibles portent en général sur un nombre restreint de sujets et font tous état d’un nombre important de sujets perdus de vue au cours de l’étude, ce qui rend complexe l’interprétation des résultats. Les principales pistes de traitement sont abordées ci-dessous.

Circuit de la récompense - cerveau coupe sagitalleChez l’usager chronique de cocaïne, en raison des modifications neuronales dues à l’installation de la tolérance, les taux de dopamine sont réduits, la libération de dopamine est entravée et les récepteurs à dopamine peu disponibles.

Rehausser les taux de dopamine
Une première classe thérapeutique utilisée regroupe les médicaments susceptibles de relever le niveau de dopamine, soit en augmentant sa libération, soit en diminuant sa recapture,.
Les chefs de file des stimulants sont l’amphétamine et la dextro-amphétamine. Ces 2 produits, ont démontré leur efficacité à réduire le nombre de jours de consommation de cocaïne et l’intensité du craving chez des sujets dépendants. En admettant que l’intérêt clinique d’un tel traitement soit formellement démontré, la question se posera de savoir quel est le risque de bascule vers une prise régulière d’amphétamine, ce qui reviendrait à remplacer une substance psychoactive par une autre.
un inhibiteur de recapture de la dopamine, a aussi été testé : le modafinil, médicament dont l’indication est le traitement de la narcolepsie. Une analyse globale des essais thérapeutiques réalisés a montré que le modafinil, réduisait l’euphorie lors d’une prise de cocaïne mais n’augmentait pas le taux d’abstinence chez les sujets dépendants.

Activer la transmission gabaergique
Le GABA est un des régulateurs du système de récompense. Des médicaments augmentant l’activité GABA, comme le baclofène (un relaxant musculaire utilisé pour l’aide au sevrage d’alcool) ou la vigabatrine, ou le topiramate (des anti-convulsivants) ont montré une efficacité pour réduire l’auto-administration de cocaïne chez l’animal. Toutefois les essais menés chez l’homme ont été décevants.

Réduire l’activité adrénergique
La cocaïne augmente la libération de noradrénaline, neurotransmetteur impliqué dans l’activité locomotrice. 
La doxazosine réduit l’activité de la noradrénaline en se fixant sur les récepteurs α adrénergiques. Chez le rat, la doxazosine diminue les effets comportementaux de l’amphétamine et de la cocaïne. Un essai pilote mené sur un petit nombre de sujets a donné des résultats intéressants chez ceux recevant une dose élevée, mais était conditionnée par un profil génétique particulier. 
Une autre molécule ayant pour propriété de réduire l’activité adrénergique a également été testée, le disulfiram, utilisé dans le sevrage d’alcool en raison de son effet à type de “dégoût”. Une analyse globale des essais d’efficacité du disulfiram a conclu que les résultats ne permettaient pas de recommander ce médicament comme aide au sevrage de la cocaïne.

Réduire la transmission glutamatergique
La kétamine est une molécule utilisée principalement comme anesthésique. Du fait de ses effets hallucinogènes (voir infographie Que devient la kétamine dans l'organisme), son usage a été détourné, aussi son utilisation est strictement réglementée. Sa propriété principale est de réduire l’activité des récepteurs au glutamate, neurotransmetteur excitateur. 
Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la kétamine, à faible dose, pourrait aider au sevrage des drogues, comme l’alcool, les opiacés ou la cocaïne. Autant les résultats des essais pour l’alcool et les opiacés n’étaient pas probants, autant ceux concernant la cocaïne montraient une relative efficacité avec une réduction du craving et de la prise de drogue. Toutefois, le nombre de sujets étudiés, la durée de suivi et le nombre important de perdus de vue ne permettaient pas de tirer de conclusion fiable. D’autres essais sont à venir.

Se vacciner
Le fondement de cette approche est de faire fabriquer par l’organisme des anticorps qui se lient à la cocaïne circulant dans le sang. Le complexe ainsi formé est de grande taille, ce qui l’empêche de franchir la barrière hémato-encéphalique donc de pénétrer dans le cerveau. Cette technique fait face à de nombreux obstacles (voir Peut-on se vacciner contre l’addiction ?) mais les recherches continuent sur des modèles animaux pour tenter d’augmenter la synthèse et la durée de vie des anticorps anti-cocaïne. 

Le sevrage de la cocaïne, comme celui de toute autre drogue, est une épreuve. La motivation et la maîtrise de soi en sont les clefs principales de réussite auxquelles s’ajoute l’accompagnement, que ce soit par des professionnels et/ou des groupes d’entraide. Disposer d’un médicament efficace serait un atout supplémentaire, sous réserve d’observer scrupuleusement la prescription, mais pour la cocaïne aucune molécule n’a réellement fait actuellement ses preuves, la recherche continue.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
La consommation régulière de cocaïne entraîne une addiction et des symptômes de sevrage lorsqu’on l’arrête.
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