L’alcool est-il la cause des bastons ?

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L’alcool est-il la cause des bastons ?

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Les études en psychologie comportementale montrent que la consommation d’alcool joue un rôle dans les conduites agressives, mais il n’est peut-être pas le seul...

Publié le: 
17/11/2016

Dans les soirées arrosées, il est assez courant que deux ou plusieurs personnes s’engrènent verbalement ou physiquement. Une réflexion, un geste ou une attitude peuvent, dans l’ambiance surchauffée, dégénérer en bagarre. On en a un exemple avec une des dernières mésaventures de Justin Bieber, un chanteur que l’on connaît pour ses cheveux, ses tubes, son film NEVER SAY NEVER, mais aussi pour ses dérapages. En mai dernier, on apprend qu’il fait l’objet d’une plainte d’un fan à Houston Texas. Il aurait détruit son téléphone alors que ce dernier le filmait en train de boire dans une boîte de nuit.

L’alcoolémie élevée est-elle le seul facteur en cause ?

L’alcool est un puissant désinhibiteur qui non seulement réduit la retenue verbale et/ou physique mais aussi amplifie la réactivité et l’impulsivité. En bref les mots ou les gestes envers autrui sont plus provocateurs qu’à jeûn et la réaction de l’autre sera exagérée si lui aussi est alcoolisé.

Les chercheurs en psychologie ont tenté de définir les facteurs favorisant la baston sous alcool. Deux protocoles d’expérimentation sont fréquemment utilisés :

  • Celui dénommé « enseignant-élève » mesure la sévérité de la punition donné à un “élève” en cas de mauvaise réponse à une question selon l’état « alcoolisé ou non » du “professeur” joué par le sujet testé. Ce protocole évalue le potentiel agressif spontané.
  • Un autre évalue la réactivité à une provocation selon l’état alcoolisé ou non de la personne provoquée. Dans ce cas il s’agit d’un protocole de « compétition » de rapidité de réponse à un signal lumineux apparaissant sur un écran. Selon que le sujet testé “perd” ou “gagne”, il reçoit ou délivre une punition à son “compétiteur”.

Pour ces deux protocoles l’infrastructure utilisée est la même. Le sujet testé est assis devant un écran, il dispose d’un clavier et d’un curseur. L’action de ce curseur permet au sujet testé d’envoyer à “l’élève” ou au ”compétiteur”,  qui est dans une autre pièce en dehors de sa vue, un courant électrique d’intensité variable, le maximum déclenchant une douleur légère.  

Ce serait un peu comme dans une compétition de cybersport si le joueur pouvait envoyer ou recevoir un choc électrique à un autre joueur.

EPICENTER MOSCOW Dota 2 cybersport event - MAY 14 2016 - Crédit: Roman Kosolapov / Shutterstock
Cybersport - Epicenter Moscow Dota 2 - 14/05/16 (Crédit: Roman Kosolapov / Shutterstock)

En réalité il n’y a pas de participant dans la pièce voisine et aucun courant électrique n’est envoyé par le sujet testé. Par contre, dans le cas de la compétition, le sujet testé peut recevoir un choc électrique dans un but de provocation. Toutes les épreuves sont régies par un programme informatique qui détermine à l’avance si le sujet testé “perd” ou “gagne”. Les épreuves sont réalisées chez des sujets qui ont bu une dose « calibrée » d’alcool et chez des sujets à qui on a administré une boisson sans alcool.

De très nombreuses études expérimentales utilisant ces protocoles ou des versions dérivées ont été menées. Avant l’épreuve les sujets devaient remplir un questionnaire visant à évaluer leur niveau d’agressivité à l’état basal et un autre concernant le degré d’agressivité qu’ils ressentaient habituellement après avoir bu de l’alcool. L’analyse des résultats prenait en compte ces deux composantes d’agressivité ainsi que bien sûr l’alcoolémie atteinte.

Globalement, en prenant en compte l’ensemble des paramètres énumérés ci-dessus,  les études expérimentales réalisées mettent en évidence une association considérée comme modérée entre conduites agressives et prise d’alcool, chez les hommes et chez les femmes.

La probabilité de survenue de l’agression est plus élevée quand l’alcoolémie monte, c’est à dire tant que le sujet continue de boire, et diminue quand il arrête, quand il a sa dose, car c’est l’effet sédatif de l’alcool qui prend le dessus.

Etre alcoolisé  ne signifie pas forcément qu’il y aura baston car deux autres paramètres importants interviennent. Le premier est le niveau de provocation : plus la provocation est forte, plus le sujet alcoolisé risque de déclencher la bagarre et encore plus s’il perçoit que le provocateur est prêt à y répondre. A l’inverse l’absence de provocation minimise le risque de violence. L’autre paramètre est le tempérament de fond du sujet : quelqu’un qui a un caractère bagarreur basculera beaucoup plus facilement dans la violence s’il est alcoolisé par comparaison à une personne de tempérament calme.

Ainsi il se pourrait que le tempérament de Justin Bieber lui joue des tours puisqu’il fait régulièrement parler de lui pour des affaires de violence liée à l’alcool, dont une arrestation avec refus d’obtempérer pour “conduite sous influence” en 2014 : il avait alors consommé de l’alcool et du cannabis, un mélange dont les effets dangereux sur la conduite sont connus.

A lire aussi : Que devient l'alcool dans l'organisme ?

BONUS VIDEO - Comparution de Justin Bieber au tribunal après son arrestation en 2014

(Vidéo publiée par NON STOP PEOPLE)
 
Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
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