La cytisine, une molécule qui aide à arrêter de fumer

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La cytisine, une molécule qui aide à arrêter de fumer

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L'arrêt du tabac peut nécessiter un soutien thérapeutique ou médicamenteux : les chercheurs ont confirmé l'efficacité de la cytisine dans les dernières études

Publié le: 
03/11/2023

Celles et ceux qui ont arrêté ou tenté d’arrêter de fumer connaissent peut-être la varénicline, médicament d’aide au sevrage tabagique commercialisé sous le nom de Champix® (Ce produit a été retiré du marché en 2021 en raison de la présence d’impuretés dans certains lots).
Mais ils ignorent probablement que la varénicline qui est synthétisée chimiquement est dérivée de la cytisine, également appelée cytisicline, molécule contenue dans des plantes du genre Cytisus ou Laburnum anagyroide.

Un peu d’histoire

Au cours de la deuxième guerre mondiale, la disponibilité du tabac a vite disparu dans les Balkans. Les fumeurs se sont alors mis à fumer des feuilles de Cytisus Laburnum, plante qui pousse à profusion dans ces régions, et s’en montraient satisfaits. 
Cette observation a conduit à la fin du conflit à utiliser la cytisine comme traitement d’aide au sevrage tabagique. Produit en Bulgarie à partir des années 1960 et commercialisé sous le nom de Tabex®, le médicament a été utilisé dans les pays de l’Europe de l’Est et l’est encore dans certains d’entre eux. Un essai clinique d’efficacité avait été mené en 1970, mais ses résultats n’ont pas franchi le rideau de fer. L’intérêt pour la cytisine s’est réveillé en Europe quand les laboratoires Pfizer, s’inspirant du Tabex®, ont commercialisé la varénicline en 2006 et très récemment avec de nouvelles études cliniques.
La cytsine (crédit : Shutterstock / Anna L. e Marina Durante)

Mécanismes

La cytisine a été découverte en 1818 et isolée en 1865. Une analyse précise de ses propriétés pharmacologiques a été réalisée en 1912 et les chercheurs ont conclu qu’elles étaient similaires à celles de la nicotine. Cela est dû à la capacité de la cytisine à se lier, tout comme la nicotine et la varénicline, aux récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine dans le cerveau (voir article Neurotransmetteurs et substances psychoactives 4 : Acétylcholine). L’activation de ces récepteurs permet la libération de dopamine et de noradrénaline.
Lorsque la cytisine est prise en même temps que la nicotine, les deux molécules entrent en compétition pour se lier au récepteur. La cytisine va donc diminuer la libération de la dopamine secondaire à l’inhalation de la nicotine et par conséquent le plaisir de fumer. Lorsque la cytisine est prise seule, quand le sujet a arrêté de fumer, elle réduit les symptômes de sevrage de la nicotine (Détails à retrouver dans l'article Le sevrage de la nicotine.

Efficacité sur le sevrage tabagique

Le protocole standard d’administration de cytisine, établi en 1960, est toujours en vigueur. 

  • 6 tablettes de 1,5 mg, une toutes les 2 heures, pendant les 3 premiers jours. 
  • Arrêt du tabac à J3. 
  • 5 tablettes, une toutes les 2h30 de J4 à J12 ; 
  • 4 tablettes, une toutes les 3h, de J13 à J16 ; 
  • 3 tablettes, une toutes les 4h, de J17 à J20 ; 
  • 2 tablettes, une toutes les 6h de J21 à J25. 

Ceci représente un total de 100 tablettes sur 25 jours.
En 2006, une analyse de 10 essais cliniques comparant la cytisine à un placebo a été réalisée. Ils avaient été menés entre 1967 et 2005 dans des pays de l’Est, et portaient sur un total de plus de 4000 sujets fumeurs et 3500 sujets témoins. La cytisine était administrée selon le protocole standard. Globalement,, la probabilité d’arrêter de fumer à court (4 semaines) et long terme (2 ans) était multipliée par près de 2 chez ceux ayant reçu la cytisine. Le chercheur ayant réalisé l’analyse notait que la qualité méthodologique des essais laissait à désirer mais s’étonnait aussi que l’existence de la cytisine comme aide au sevrage du tabac soit aussi peu connue.
D’autres essais ont été réalisés par la suite, respectant des méthodologies éprouvées. Une nouvelle méta-analyse a été effectuée en 2023 regroupant 14 essais cliniques comparant la cytisine à un placebo, aux substituts nicotiniques (patchs ou pastilles contenant de la nicotine) ou encore à la varénicline. Le nombre total de sujets étudiés était de 9953. La posologie de cytisine était standard dans 11 des essais. Dans les autres, la durée était portée à 42 jours. La réalité du sevrage était mesurée par le taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré.
A 6 mois après le début de traitement, le taux de sevrage était de 24,8% chez ceux ayant pris la cytisine contre 19,7% dans le groupe placebo. 
La cytisine était également plus efficace que les substituts nicotiniques (15,5%). Enfin son efficacité était superposable à celle de la varénicline.
Les effets secondaires, nausées, mal de tête, constipation, étaient plus fréquents dans le groupe cytisine que dans le groupe placebo mais encore plus fréquents dans le groupe varénicline.

Essai récent

Les résultats de l’essai clinique le plus récent, réalisé aux Etats-Unis, a été publié en Juillet 2023. Trois groupes de fumeurs, motivés pour arrêter de fumer, ont été constitués : 

  • Le premier (N = 270 sujets) a reçu de la cytisine (3 mg 3 fois par jour) pendant 12 semaines ; 
  • le deuxième (N=269) la même dose de cytisine pendant 6 semaines puis un placebo les 6 semaines suivantes ; 
  • le troisième (N=271) a reçu un placebo pendant 12 semaines. 

Tous les sujets bénéficiaient d’un accompagnement psycho-thérapeutique. Les participants étaient suivis jusqu’à la 24ème semaine, soit 12 semaines après la fin de tout traitement. Le sevrage de tabac était vérifié avec des tests biochimiques. 
Résultats

  • Chez ceux ayant reçu la cytisine pendant 6 semaines, la fréquence d’arrêt complet du tabac pendant la période S3 à S24 était de 8,9 % contre 2,6% chez ceux ayant reçu le placebo. 
  • Chez ceux ayant reçu 12 semaines de cytisine, la proportion d’abstinents sur la période S9 à S24 était de 21,1% contre 4,8% chez ceux ayant reçu le placebo. 

Des effets secondaires à type d’insomnie, rêves bizarres et nausées étaient observés dans moins de 10% des cas dans chacun des 3 groupes.

Toxicité de la plante

Toutes les parties des plantes contenant de la cytisine sont toxiques et plus spécifiquement les graines des fruits qui en contiennent 1,5% contre 0,3 % pour les feuilles et 0,2% pour les fleurs. Les manifestations toxiques portent sur le système digestif (nausées, vomissements), nerveux (somnolence, vertiges) et moteur (contractions musculaires, troubles de la marche). La toxicité est fonction de la dose ingérée : chez l’adulte les symptômes d’intoxication surviennent lorsque la dose est élevée et dépasse 0,5 mg par kilo de poids corporel alors que chez un enfant 2 ou 3 graines mâchées suffisent. Une étude a montré que chez l’adulte, l’administration d’une dose unique de 4,5 mg, soit 3 fois la dose recommandée par prise, était parfaitement supportée.
En conclusion, les études scientifiques montrent que la cytisine a une efficacité similaire à la varénicline et supérieure à celle des substituts nicotiniques. Toutefois, la commercialisation de cytisine n’est actuellement pas autorisée en France ni dans l’Union Européenne. Seule l’Espagne déroge à cette règle depuis le début de 2023.

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
La nicotine se lie aux récepteurs de l’acétylcholine dans le cerveau et active la libération de dopamine et de noradrénaline
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