Comment soigner l’addiction à la cocaïne ? 2ème partie

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Comment soigner l’addiction à la cocaïne ? 2ème partie

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S'il n'y a pas encore de traitement médicamenteux validé par les études scientifiques, le soutien psychothérapeutique aide à traiter la dépendance à la cocaïne - 2ème partie : Interventions psychosociales

Publié le: 
09/06/2023
Modifié le: 
09/06/2023
Les différents types d’intervention

Lien vers la première partie de l'article : Comment soigner l'addiction à la cocaïne ? 1ere partie

Intervention brève
L’intervention brève est une stratégie visant à aider les patients à reconnaître et à modifier les comportements qui posent des risques importants pour la santé. L'entretien dure une vingtaine de minutes. La version codifiée par la Haute Autorité de Santé comprend les étapes suivantes : 

  • Évaluer avec le consommateur ses risques personnels et situationnels ; 
  • Identifier les représentations et les attentes du consommateur ; 
  • Échanger sur l’intérêt personnel de l’arrêt ou de la réduction de la consommation ;
  • Expliquer les méthodes utilisables pour réduire ou arrêter sa consommation ; 
  • Proposer des objectifs et laisser le choix ; 
  • Évaluer la motivation, le bon moment et la confiance dans la réussite de la réduction ou de l’arrêt de la consommation ; 
  • Donner la possibilité de réévaluer dans une autre consultation ; 
  • Remettre une brochure ou orienter vers un site, une application, une association, un forum... 

Cette méthode est valable quelle que soit la drogue concernée. 

Gestion des contingences
La gestion des contingences est une thérapie comportementale qui vise à renforcer les comportements sains. Dans les pays anglo-saxons, les usagers de drogue peuvent recevoir une récompense, en général sous forme de bons d’achat, lorsqu'ils fournissent des échantillons d'urine négatifs. 

Thérapies cognitivo-comportementales 
Les interventions cognitivo-comportementales évaluent et modifient les pensées inutiles et les comportements inadaptés qui conduisent à la consommation de substances. Elles apprennent aux sujets à s’adapter aux situations à risque et à réagir de façon appropriée.

Renforcement communautaire 
Cette intervention enseigne les techniques d'évitement de la drogue, encourage les changements de mode de vie, donne des conseils en matière de relations, et aborde le lien entre consommation de stimulants et troubles psychiatriques. Les renforcements sociaux, familiaux, récréatifs et professionnels sont largement utilisés, fournissant une structure complète de soutien au traitement.

Programme en 12 étapes 
Le programme en 12 étapes est basé sur des principes spirituels et relationnels appliqués à une communauté de personnes associées par la volonté de lutter contre la dépendance aux stimulants. Tous les membres entament un parcours en 12 étapes, qui commence par la prise de conscience de la dépendance et l'acceptation de s'en remettre à une "puissance supérieure". Le groupe d'entraide réduit l'isolement social et apporte soutien et empathie de la part de personnes confrontées à des problèmes similaires, le tout dans l'anonymat.

Traitements fondés sur la méditation 
Ce sont des pratiques par lesquelles les individus entraînent leur esprit à prêter une plus grande attention à leurs expériences internes et externes. Elles font appel au yoga, au tai-chi et à la méditation de pleine conscience. L'objectif est de développer une approche sans jugement des expériences stressantes, ce qui conduit à un détachement et à une moindre réactivité aux stimuli pouvant déclencher l’envie de consommer.
 

Résultats des thérapies d’aide au sevrage total

Intervention brève
Une étude ancienne, datant de 2005, a évalué l’efficacité d’une intervention brève, menée par des éducateurs spécialisés, à l’occasion d’un passage aux urgences de sujets dépendants de la cocaïne et/ou de l’héroïne. L’indicateur d’efficacité était le taux d’abstinence 3 et 6 mois après l’intervention brève, attestée par la mesure quantitative de drogue dans les cheveux. Parmi les 1175 sujets inclus, 590 ont reçu une intervention brève et 585 une liste des traitements possibles. Un dédommagement financier était offert, $15 à l’inclusion, $25 à la visite des 3 mois et $35 à celle des 6 mois. 82% de chaque groupe ont été testés à 6 mois. La proportion de sujets cocaïnomanes devenus abstinents à 6 mois était de 22,3 % dans le groupe avec intervention et 16,9 % dans le groupe sans. Les taux de cocaïne dans les cheveux étaient réduits de 29% dans le groupe avec intervention, contre 4% dans le groupe sans intervention.

Autres interventions
Un travail, datant de 2018, a analysé 50 essais cliniques effectués entre 1993 et 2016 comparant une des interventions psychosociales définies ci-dessus (hormis l’intervention brève) ou des combinaisons d’entre elles au traitement d’usage. Ce dernier est défini par une prise en charge des conséquences médicales de la dépendance avec ou sans aide psychologique non spécifique. La durée des essais variait de 6 semaines à 6 mois. Le critère d’efficacité principal était la proportion de sujets ayant complètement arrêté la cocaïne, situation attestée par les analyses d’urine. Sur l’ensemble des essais, 5158 sujets avaient bénéficié d’une thérapie spécifique et 1784 avaient reçu le traitement d’usage. Selon les analyses réalisées par les auteurs, l’intervention la plus performante et la mieux acceptée était la combinaison « gestion des contigences »+« renforcement communautaire » que la comparaison soit faite avec le traitement usuel ou avec les autres thérapies. Les auteurs ne donnaient toutefois pas les chiffres précis des taux d’abstinence. 

Résultats des thérapies d’aide à la réduction

En ce qui concerne la réduction de la consommation, les thérapies en consultations externes donnent de bons résultats. Elles associent une thérapie individuelle à une thérapie de groupe, et certaines fois une thérapie familiale, à raison de plusieurs séances par semaine. La durée d’un entretien individuel est de 30 à 60 min et celle des groupes de 60 à 90 min. Ni le nombre de sessions hebdomadaires ni la durée de prise en charge les plus performants ne sont précisément connus. Un travail ancien, publié en 1997, a comparé l’efficacité d’une thérapie de plus de 9 h par semaine chez 338 sujets dépendants à la cocaïne, à celle d’une prise en charge plus standard de 4 h par semaine maximum chez 580 sujets, sur une durée de 6 mois. Dans les 2 groupes, la consommation de cocaïne à 6 mois avait diminué de façon similaire. Un autre essai datant de 2001 a comparé un protocole de 12 h par semaine à un de 6 h par semaine. Tout comme dans le précédent essai, la consommation de cocaïne 7 mois après avait diminué de façon identique, de moins 52%, dans les deux groupes.

Activité physique

L’activité physique est un complément utile aux traitements psychothérapeutiques et médicamenteux. Elle est recommandée dans le traitement de toutes les addictions. Des essais cliniques rigoureux ont montré qu’elle permettait de réduire le stress, l’anxiété et la dépression, ce qui facilite l’adhérence au programme thérapeutique de base. A ce jour aucun programme d’activité physique spécifique n’a montré de supériorité par rapport à un autre.

En conclusion, les thérapies de soutien psychologique sont indispensables, elles accompagnent d’ailleurs la majorité des essais de médicaments. Les analyses effectuées suggèrent que la gestion des contingences associée au renforcement communautaire est la thérapie de choix. Toutefois elle est basée sur un système de récompense en bons d’achat, formule qui est peu en vigueur en France : aux chercheurs en psychologie de trouver une autre forme de récompense! Dans le cadre de la politique de réduction des risques, l’accompagnement psychologique permet d’obtenir une diminution notable de la consommation. Enfin, l'activité physique est un complément recommandé à toute prise en charge. 

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
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