Le tabac chauffé est-il meilleur pour la santé ?

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Le tabac chauffé est-il meilleur pour la santé ?

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Alors que le chauffage du tabac sans combustion réduit la quantité de substances toxiques inhalée, la diminution du risque pour la santé et notamment de cancer n'est aujourd'hui pas démontrée.

Publié le: 
15/12/2022

“Fumer tue”, “Fumer nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage”, « Les fumeurs meurent prématurément » font partie des messages apposés obligatoirement sur les paquets de cigarette en France depuis 2005. Le but est d’avertir les consommateurs des dangers du tabac et de les inciter à arrêter de fumer. 
En effet la fumée du tabac contient plus de 3000 composés chimiques dontcertains sont cancérigènes comme les goudrons. Ceux-ci sont formés de nombreuses substances toxiques comme les hydrocarbures et le benzène. Les goudrons se déposent sur la bouche, les bronches et les poumons, passent dans le sang et sont éliminés par le rein puis la vessie (voir infographie Que devient le tabac dans l'organisme ?). Les cancers du poumon et de la vessie sont ainsi les plus fréquents chez les fumeurs.

bandeau infographie metabolisme tabac

Le métabolisme du tabac en une infographie

Les plans nationaux de lutte contre le tabac incluant les campagnes d’information sur le risque de maladies provoquées par le tabac ont permis une diminution du tabagisme passant de 28,5% de fumeurs quotidiens en 2014 à 24,0% en 2019. Toutefois la mortalité due au tabagisme, reflet des consommations passées, reste élevée, estimée à 75000 décès en 2015, soit 13% de la mortalité totale. Elle représente la moitié des décès par cancer (150000 en 2015).
Pour les industriels du tabac, cette réduction progressive et continue du tabagisme est un manque à gagner considérable. Pour maintenir leur chiffre d’affaires, ils trouvent ainsi de nouvelles formules pour tenter de réduire la toxicité du tabac et pouvoir le présenter comme un produit a priori sans risque. Les cigarettes électroniques sous forme de vapoteuses ne contenant pas de tabac en sont le premier exemple. Et depuis 2016, un nouveau dispositif de tabac « chauffé » a également été lancé sur le marché.

La fumée de cigarette

La composition de la fumée de cigarette dépend de la température de chauffe du tabac. Lorsqu’on tire une bouffée d’une cigarette conventionnelle, la température à son extrémité est de l’ordre 700 à 950 °C, provoquant la combustion du tabac. La plupart des composés toxiques se forment alors dans la zone adjacente où la température chute progressivement de 600 jusqu’à 200 °C.
Pour réduire la quantité de particules toxiques, il convient d’empêcher le tabac de brûler en diminuant la température de chauffe de la cigarette.
Les industriels du tabac ont donc développé des dispositifs permettant de chauffer le tabac à des températures variant de 180 à 350 °C selon le modèle. A ces températures, il est alors possible de produire un aérosol, prenant également la forme d’une fumée, mais avec une toxicité réduite tout en conservant le goût habituel et la délivrance de nicotine.
Deux types de dispositif sont actuellement disponibles :

  1.  Une mini-cigarette, contenant un filtre et du tabac, est introduite dans un appareil qui chauffe le tabac à 240°C ou 330 °C selon la marque.
  2. Une capsule contenant du tabac est chauffée à 180 °C.

 

Pas de fumée sans feu

Ces nouveaux dispositifs utilisent du tabac « reconstitué » à partir des débris de feuilles de tabac. Le pressage de ces débris produit d’abord de l’huile de tabac, puis les restes sont aplatis pour former une feuille qui sera ensuite enduite par l’huile récupérée. Des additifs, des arômes, du propylène glycol (nécessaire pour humecter) sont ensuite ajoutés à la formule. 
Par rapport au tabac « naturel », on note que la combustion de ce tabac reconstitué produit des taux plus élevés de monoxyde de carbone, de nitrosamine et autres toxiques.
Plusieurs études menées par des chercheurs de différents pays ont montré que les aérosols de ce type de tabac chauffé, en comparaison avec des cigarettes standards, contenaient une proportion considérablement réduite de composés toxiques. Ils ont par exemple, constaté une diminution de 85 à 90% de la concentration de carbonyls, composés naturellement présents dans le plant de tabac et fortement associés aux troubles respiratoires et au cancer.

Bien que la toxicité soit limitée, il a été montré en laboratoire par des tests mesurant l’activité métabolique de ces composés qu’ils sont toujours capables de léser les cellules bronchiques.

Une étude a démontré qu’une augmentation de la température de chauffe augmente la concentration des carbonyls ainsi que la toxicité de la fumée sur les cellules. Il apparaît alors important de considérer que le manque d’entretien de ces dispositifs peut entraîner un encrassement responsable de l’augmentation de la température de chauffe sans que le consommateur en ait conscience.
A l’inverse de cette réduction bénéfique, deux substances irritantes présentes dans la fumée, l’acroléine et l’acénaphtène, voient leur concentration fortement augmentée, de respectivement 82% et 175%, lorsque le tabac est chauffé.

La nicotine est toujours là

Le tour de force de ces nouveaux dispositifs est de réduire la concentration des cancérigènes tout en maintenant le taux de nicotine. En effet, au moins pour un des systèmes*, le taux de nicotine par mini-cigarette est semblable à celui d’une cigarette industrielle, à 0,5 mg. Les données pour les autres dispositifs ne sont pas disponibles.
Chauffer le tabac au lieu de le brûler ne règle donc en rien la question de la dépendance au tabac qui est due à la nicotine. 

La stratégie adoptée par les industriels repose sur la réduction de la nocivité du tabac puisque sa consommation n’est pas interdite. Toutefois la corrélation entre réduction de la nocivité et celle de la mortalité n’est pas démontrée. La FDA américaine ne s’est pas laissée prendre par les industriels du tabac, elle a simplement reconnu que ces nouveaux dispositifs réduisent l’exposition au risque mais non le risque lui-même. 
Seules des études longitudinales suivant des consommateurs de tabac chauffé, en comparaison avec des fumeurs traditionnels, pendant au moins une dizaine d’années, pourront apporter des réponses.

BONUS VIDEO - Quels sont les effets de la nicotine sur le cerveau ?

 

*(IQOS©)

Auteur(s): 
Bertrand

Nalpas

MD, PhD, Directeur de recherche émérite - Inserm

MD, PhD
Directeur de recherche émérite
Département Information Scientifique et Communication de l'Inserm

 
La plupart des composés toxiques du tabac se forment en dessous de la température de combustion, entre 200°C et 600°C.
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